Revues open-access : avantages et inconvénients

« Publish or perish » voici l’injonction bien connue des chercheurs. Si la publication traditionnelle, à l’instar des quotidiens et des magazines périodiques, repose sur le payement par le lecteur, récemment, a fait irruption un nouveau modèle économique (dit open-access) basé sur l’idée que ce sont les auteurs qui financent et que les lecteurs accèdent gratuitement. Avant d’examiner les avantages et les inconvénients des publications open-access, revoyons rapidement le modèle traditionnel.

Dans le modèle traditionnel, typiquement, les auteurs ciblent une revue, généralement adossée à une société savante, adressent leur article au responsable du comité scientifique qui désigne souvent trois évaluateurs qui ont généralement un mois pour donner leurs recommandations. Suivant ces avis, l’article est parfois rejeté, rarement publié tel quel et le plus souvent accepté sous réserve de modifications faibles ou substantielles ; dans ce dernier cas, plusieurs itérations peuvent exister. Finalement, les éditeurs se chargent de la mise en page, de la mise en ligne et de la distribution aux abonnés, souvent les bibliothèques universitaires. L’ensemble du processus peut durer 18 mois, ce qui est lent compte tenu de la compétition internationale. Pour certaines revues réputées, il faut de plus attendre jusqu’à deux ans entre l’acceptation finale et la parution : intenable ! et dès lors, ces revues sont plus des cimetières de connaissances scientifiques dument vérifiées certes, mais dépassées. Remarquons que l’édition de telles revues est bénéficiaire basée sur des fonds publics ; en effet, existe-t-il beaucoup de domaines où sont gratuits la matière première et le contrôle de qualité ?

Ce sont les potentialités d’Internet qui ont poussé à la création des revues open-access[1]  dont les caractéristiques principales sont les suivantes[2] : le coût de publication peut atteindre 1000 dollars par article souvent à la charge des laboratoires, et une plus grande facilité d’accès créant ainsi les conditions d’une plus grande audience. Ce n’est plus un responsable scientifique qui se charge de désigner les évaluateurs, mais un algorithme qui apparient les mots-clés donnés par les auteurs de l’article et ceux des membres du vivier des évaluateurs possibles. Souvent les évaluateurs ont une dizaine de jours pour donner leurs recommandations. Ces deux derniers aspects impliquent que le contrôle de qualité ne soit pas de haute qualité, d’autant plus que les auteurs ont payé pour être publiés : en cas de refus, ils ont perdu leur argent et se sentent floués même si les recommandations sont fructueuses.

Pour les lecteurs, selon ses propres besoins documentaires et suite à une rapide recherche sur Internet, les articles publiés dans les revues open-access sont vite mentionnés et leur accès est immédiat alors que pour les autres il faut payer pour lire. Bien que la qualité soit moyenne, ces articles retrouvés seront cités d’où un effet boule de neige. Dès lors, le facteur d’impact pourra croître.

Pour les auteurs, la rapidité de publication est un atout intéressant ; de plus on leur propose souvent de devenir évaluateurs même s’ils sont chercheurs débutants. L’ensemble du processus peut durer 2 mois.

Pour les évaluateurs, il serait bien qu’ils soient rémunérés. Une fois, j’ai déclaré que j’acceptais d’analyser un article à la condition de recevoir 500 $ : bien évidemment, l’éditeur s’est tourné vers quelqu’un d’autre qui a peut-être été honoré d’accomplir cette tâche même sans rémunération.

Deux types d’éditeurs existent. Certains éditeurs traditionnels (Springer, Elsevier, Wiley, etc.) ont pris le virage mais de nouveaux acteurs sont apparus comme MDPI (Multidisciplinary Digital Publishing Institute) et Frontiers. Pour pouvoir vivre et être rentables, ils doivent gérer de nombreux titres, d’où une fuite en avant dans la création de nouvelles revues : ainsi chaque mois voit la création de nouveaux titres sur des créneaux pointus. Signalons qu’ainsi, entre 2016 et 22, la quantité d’articles publiés et indexés par Scopus et Web of Science a grossi de près de 50%! »

Pour conclure, on assiste à une accélération de la diffusion des résultats scientifiques avec deux incidences. La première est bénéfique pour l’économie, mais le problème reste celui de la qualité des recherches publiées.


[1] Pour une liste, se reporter à https://fr.wikipedia.org/wiki/Liste_de_revues_en_acc%C3%A8s_libre ou à  https://doaj.org/ ou à https://journalrw.org/scientific-journals-open-access-no-apc/  ou à https://phdtalks.org/2022/08/fast-publishing-open-access-journals-doaj.html

[2] https://www.openaccess.nl/en/what-is-open-access/pros-and-cons

Robert Laurini

Rédacteur-en-chef Professeur émérite en informatique