Appréhender l’émergence de l’IA dans la formation et l’encadrement de nos doctorants : quid de l’intégrité académique ?
L’objectif de l’étude conduite à l’Institut de Recherche et d’Action sur la Fraude et le Plagiat Académiques (IRAFPA) est ici de dresser un état des lieux de la perception que les doctorants ont de l’IA générative, alors qu’ils n’ont pas été familiarisés durant leurs études de Master à ces outils. Le but est aussi de clarifier l’usage de ces outils dans leur travail quotidien et l’attitude des encadrants à ce propos.
Le propos est de pouvoir offrir à ces deux publics – doctorants et encadrants – un discours fiable, transparent, généreux, utile… donc une formation à l’intégrité en évolution continue.
Mais la mutation extrêmement rapide de l’IA se heurte, structurellement, à la durée de formation des futurs chercheurs : trois ans de doctorat, c’est bref pour enraciner l’intégrité académique dans les pratiques quotidiennes.
Ce n’est certainement pas un MOOC obligatoire pour les doctorants (qui a le mérite d’exister) ou le fait de déléguer l’éducation à l’intégrité à des spécialistes de l’éthique « hors sol » qui sera la solution. Et les directeurs de thèses ne sont forcément les mieux placés alors même que des directeurs d’Ecoles doctorales remarquent que le diplôme d’Habilitation à Diriger des recherches (HDR) est délivré à des personnes n’ayant reçu aucune formation à l’intégrité.
Notre responsabilité individuelle et collective s’ancre dans cette question de savoir comment former ses doctorants au doute, à l’esprit critique, à l’esprit de synthèse qui leur seront plus que jamais nécessaires.
Une enquête a été conduite par questionnaire ouvert auprès d’étudiants en doctorat et d’encadrants de thèses de doctorat d’universités françaises. Cent quinze réponses de doctorants et quarante d’encadrants de thèse ont été analysées. Puis, les réponses d’un échantillon complémentaire de trente-trois directeurs d’Écoles doctorales ont été analysées pour vérifier les moyens dont ces derniers disposent pour mobiliser les encadrants sur les problèmes d’intégrité en général. Ils ont longuement répondu à nos questions ouvertes analysées par méthode inductive d’extraction de sens.
Notre enquête révèle que de nombreux enseignants se situent entre le déni et la peur déléguant à d’autres instances la prise en compte de cette nouvelle donne. Le parallèle de la fuite vers les logiciels de détection du plagiat textuel est l’exemple même de cette peur de la mobilisation des uns et des autres.
Ainsi, face à la révolution de l’IA – et alors même que la formation à l’intégrité académique reste superficielle, nos résultats préliminaires montrent qu’il faut revenir aux bases de la pédagogie :
- Les doctorants se sont avérés demandeurs de compétences explicites, et non tacites.
- Les encadrants sont sensibles à une pédagogie de l’expérience (ou des expériences multiples) de membres du corps académique (cf. Le théâtre de situations).
- Les directeurs d’Écoles doctorales manquent souvent de moyens et de temps pour appréhender le phénomène en cours.
Reste à définir l’action d’acculturation à l’intégrité par assimilation dans un monde bouleversé par l’IA. L’IRAFPA œuvre en effet sans relâche pour que cette acculturation ne procède plus par « ségrégation » (cours d’éthique hors sol dispensés par des « spécialistes »), par « intégration hasardeuse » (au gré du bon vouloir des différents encadrants), et encore moins par « marginalisation » (on ne parle pas d’intégrité et d’éthique). Mais comment définir et mettre en œuvre cette « acculturation à l’intégrité par assi
Sur ce thème, est organisé un colloque sur l’Intégrité Académique « Défis et incertitudes de l’intégrité académique à l’ère de l’intelligence artificielle » à Université de Coimbra (Portugal), les 20 – 22 juin 2024. Voir https://irafpa.org/colloque-2024-coimbra/presentation-2024/
USF y participera.
Contact : michelle.bergadaa@unige.ch.