Éducation : le Cames, une réussiteafricaine

Tous les deux ans, le Conseil africain et malgache pour l’enseignement supérieur (CAMES) organise le concours Cames d’agrégation dans différentes disciplines. Issus de 18 États d’Afrique francophone, les lauréats font, ensuite, bien souvent partie de l’élite politique de leur pays. Voici le rapport de notre collègue, Bernard Landais, Professeur émérite de sciences économiques à l’Université de Bretagne-Sud, Coopérant universitaire à Bamako et Libreville, et membre des jurys du concours d’agrégation en sciences économiques du Cames en 2013, 2015 et 2017. Cet article a été publié auparavant par le magazine Jeune Afrique du 7 décembre 2023.

Ces deux derniers mois, s’est déroulé, à Yaoundé, le Concours Cames d’agrégation des maîtres de conférences agrégés dans les disciplines des sciences juridiques, politiques, économiques et de gestion (SJPEG). Depuis plus de quarante ans, toutes les élites des facultés SJPEG des 18 pays francophones qui composent la zone Cames sont passées par ce concours.

J’ai eu le privilège de participer à quatre reprises à ces procédures de recrutement plutôt solennelles, au Congo, au Togo et au Cameroun.

Espace de coopération

L’organisation Cames est unique au monde. Elle est un espace de coopération entre presque tous les pays francophones du sud du Sahara. Tous les deux ans, le concours SJPEG alterne avec le concours de médecine, organisé, lui, les années paires. De plus, le Cames gère les promotions des universitaires au grade de maître assistant ou des promotions « à l’ancienneté ».

Le rôle politique et social du Cames est d’autant plus important que, sur le continent, la proportion de jeunes – et de ceux qui passent par l’enseignement supérieur – ne cesse de croître. Il est donc fondamental de doter tous les États de la zone d’un corps d’enseignants compétents, capables également de faire progresser la recherche. Il y a probablement déjà autant de bons économistes francophones au sud du Sahara qu’en France, et c’est aussi de plus en plus vrai pour les disciplines juridiques.

CAMES : le bilan de trente ans de coopération décentralisée

Le Cames est historiquement lié à la présence française, par la langue, surtout, mais aussi par le maintien d’anciennes procédures françaises de recrutement. Le concours d’agrégation du supérieur était autrefois pratiqué en France dans toutes les disciplines des anciennes facultés de droit et de science économique. La formule retenue par le Cames n’est d’ailleurs plus vraiment celle d’un concours, en dépit du terme utilisé, mais plutôt celle d’un examen, où la barre est placée plus ou moins haut selon les disciplines et les années. Chaque pays membre assume pour lui-même les conséquences, notamment financières, des résultats obtenus.

Au-delà des vicissitudes politiques

De fait, la coopération universitaire telle que la pratique le Cames est un facteur de paix et de progrès. Cette année, par exemple, le coup d’État au Niger et de graves menaces de guerre ont mis nombre de pays en alerte. Or le concours 2023 devait se dérouler à Niamey. Quand le coup d’État est survenu, en juillet, le concours Cames a pu rapidement compter sur l’hospitalité bienveillante et active du Cameroun, en « terre neutre » d’Afrique centrale. Les candidats sont venus de partout, du Niger, du Burkina Faso, du Mali, formant le « bloc des militaires », mais aussi de Côte d’Ivoire, du Sénégal et du Bénin, les pays dominants du « bloc démocratique » de l’Afrique de l’Ouest. À Yaoundé, les membres des jurys se sont regroupés fraternellement pour faire « tourner la boutique » et rien n’est venu ternir la réunion de cette grande « internationale » universitaire.

Chaque pays arrive au concours avec ses candidats et ses propres besoins, et repart généralement avec des lauréats qui s’intègreront au plus haut niveau à leurs établissements d’enseignement supérieur.

Communauté de culture et de confiance

Les Français qui participent à ces programmes continuent la grande tradition de coopération. Tout comme les militaires dont a parlé le général Frédéric Blachon dans ses interventions récentes, ces acteurs de terrain gardent la confiance et l’amitié des Africains, bien au-delà des vicissitudes politiques du moment. Depuis les indépendances, les brouilles et les coups d’État n’ont pas manqué, en Afrique, certains d’ailleurs fomentés ou soutenus par le gouvernement français lui-même. Les retours en grâce et les réconciliations n’ont pas manqué non plus. Rien n’est irréparable, et heureusement, quand on voit à quel point les élites universitaires africaines peuvent se montrer solidaires.

Les Africains francophones ont parfois tenté toutes sortes d’alliances avec des pays tels que la Chine, les États-Unis ou la Russie, animés d’intentions plus ou moins bonnes et plus ou moins constantes.

Généralement, ils s’en sont mordus les doigts, parce qu’une communauté de culture et de confiance, comme celle qui lie l’Afrique à la France, est ce qui importe le plus, à long terme. Parce qu’elle est ancrée dans une culture largement commune, la coopération universitaire des Africains entre eux et avec les professeurs français est un exemple de ce que doit être le développement économique en Afrique, en France et partout dans le monde.

Pour de plus amples renseignements et débats, contacter le professeur Bernard Landais, landais-bernard@wanadoo.fr.

Robert Laurini

Rédacteur-en-chef Professeur émérite en informatique
Picto

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